Plaisir et souffrance au travail La psychodynamique du travail. Eléments de cours 2004-2014
Consultation Souffrance au travail
Les éléments présentés sont issus d'un cours que j'ai donné durant 10 ans (2004-2014) aux futurs cadres de santé de l'APHP, avec l'université Paris Dauphine dans le cadre d'une UE de psychologie sociale clinique
Le travail a ceci de contradictoire : il participe à la santé et à construction identitaire du sujet qui peut y trouver un plaisir certain (accomplissement de soi) tout comme il peut être source de souffrance, ce que chacun a pu éprouver dans l’expérience, et ce que nous enseigne l’actualité. Il s’agira donc de repérer, à partir de l’enseignement de Christophe Dejours et de la psychodynamique du travail auquel renvoie ce cours, le destin de la souffrance en lien avec le travail, et ses possibilités de transformation qui fondent le plaisir au travail.
La psychodynamique du travail se définit comme l’analyse des processus psychiques mobilisés par la rencontre entre un sujet et les contraintes de l’organisation du travail, mais nous verrons qu’au-delà de l’individu, la question du collectif est aussi importante.
Le champ de la psychodynamique du travail s'intéresse à la souffrance de l'homme au travail. Le travail peut être structurant pour la santé mentale et même physique, comme il peut être déstructurant ou pathogène. Il n'est pas possible de faire l'économie de l'humain et de l'inconscient dans l'analyse du travail et des rapports sociaux du travail. Il n’est pas non plus possible de faire abstraction de la place du travail dans l’économie psychique du sujet : le travail est un espace temps dans lequel le sujet construit et joue son identité et sa santé.
Quels enjeux pour le sujet dans son rapport au travail ?
Pour pouvoir saisir ce qu’il en est de l’enjeu subjectif qu’est le travail, il faut pouvoir considérer le sujet dans ses ancrages interdépendants que sont le biologique, le psychique et le social (l’intersubjectivité). Dans la domestication des pulsions qui permet au sujet de s’inscrire dans le champ des humains, la socialisation et la subjectivation, l’enjeu est bien de trouver sa place, d’être lui-même parmi les autres, à partir de sa rencontre avec l’autre qui est d’emblée une situation de dépendance fondamentale. (1) « Le défi auquel est confronté chaque être humain est de trouver à ses pulsions une issue qui soit compatible avec son insertion sociale et à travers laquelle il puisse construire son histoire propre. »(2)
Cette inscription du sujet dans le champ social, qui peut se saisir en termes d’accomplissement de soi, prend essentiellement deux directions : la sphère de l’intime et celle du travail, qui ne sont pas aussi séparées qu’on le croit. Le travail participe de la subjectivité ; il n’y a pas de travail sans implications subjective et sans transformation de soi, en termes d’enrichissement, ou de perte. Le sujet donne quelque chose de lui-même pour l’investir dans le champ du travail, mais si en retour il n’y a pas une reconnaissance donnée par l’autre dans le travail, l’identité se perd.
Le travail, c’est simultanément une expérience du monde et une expérience de soi : par le travail, je ne modifie pas seulement le monde, je me modifie moi-même, dit Dejours. Ce qui est en jeu derrière l’idée d’identité, c’est un processus de mutation. L’identité n’est pas figée car il y a création de subjectivité, enrichissement. C’est ce qu’on appelle la subjectivation : une subjectivité en mouvement.
L’identité se construit dès le départ de la vie en lien avec l’autre, par son regard, par la parole, par la reconnaissance. Elle est recherche de sentiment d'unité de la personnalité (Dejours 2002) et nécessite appui, reconnaissance de l'autre. Elle est relationnelle et permet de se reconnaitre comme faisant partie d'un groupe, mais aussi d'être unique. C’est le même phénomène qui est à l’œuvre dans le rapport au travail. Le sujet met quelque chose de lui, implique sa subjectivité pour œuvrer (nous verrons comment) et attends en retour une rétribution qui est d’ordre symbolique et qui s’inscrit dans le domaine de l’identité : l'appartenance au groupe et la singularité. Cette rétribution attendue, c’est d’abord une reconnaissance de sa contribution. La reconnaissance, en plus de faire du lien, consolide l'identité.
L'enjeu est de taille. Le travail est ce lieu où le sujet va pouvoir être reconnu socialement, trouver à exprimer sa subjectivité et l’enrichir dans une situation socialement reconnue, c'est-à-dire où le regard de l’autre va le conforter à la fois dans son appartenance au social, au groupe, et à la fois dans le rapport que le sujet entretien avec lui-même, dans son vécu subjectif.
A travers cette question qui est celle de l'identité, le sujet joue sa santé : s’'il échoue à trouver aux exigences du corps, aux pulsions, une issue socialement valorisée, le sujet est menacé par la décompensation sur le mode psychiatrique ou psychosomatique. Si l'organisation du travail ne permet pas cet engagement du corps,de l'intelligence, de la subjectivité et l'expérience de la coopération et la reconnaissance, le risque est une déstabilisation de l'identité. Lorsque la reconnaissance ne vient pas, la mobilisation du sujet va être centré sur la défense de sa santé psychique, avec des comportements jugés paradoxaux, irrationnels, qui sont à comprendre comme des défenses contre la souffrance (3)
- Voir sur ces questions la situation anthropologique fondamentale de Jean Laplanche, sur laquelle s’appuie Christophe Dejours.
2. Philippes Davezies. « Position du médecin du travail face aux dimensions cognitives, psychiques et relationnelles du travail ». Archives des maladies professionnelles, 1995, 56, n°=4 , 294-306
- Christophe Dejours.Travail, Usure mentale. 1980
Les autres éléments de cours :
Pourquoi le travail engendre nécessairement de la souffrance ?
Un modèle de travailleur intelligent
Une intelligence collective
Une souffrance majorée par l'organisation du travail
Comment la souffrance peut se transformer en plaisir?
Pour aller plus loin :
Institut de Psychodynamique du travail
Consultation Souffrance au travail Montreuil
Parce que travailler c'est engager sa subjectivité et être transformé, je me suis formée en psychodynamique du travail et en clinique de l'activité pour une écoute, un accueil et une reconnaissance de la souffrance et des difficultés au travail, : repérer les conditions d'émergences de la souffrance en lien avec l'organisation du travail et en résonance avec sa propre construction subjective. Comprendre, élaborer, retrouver de la possibilité de pensée et d'action pour retrouver la voie du plaisir au travail.
Situations de violence et de harcèlement, perte de sens, surcharge et contraintes de temps, placardisation, réorganisations, conflits
Souffrance, épuisement ou fatigue chronique ,insomnies, troubles anxieux, dépression, perte de mémoire, troubles de la concentration, souffrance éthique, accident du travail, décompensations, addictions, burn out.....
Il y a souffrance quand il n'y a plus possibilité de transformation en plaisir, ou lorsque les défenses ne peuvent plus remplir leur rôle de protection.
La consultation, lieu d'écoute de soutien et d'accompagnement permet de:
Comprendre les impacts de l'organisation du travail : ce qui, dans la situation professionnelle, s'est dégradé avec des incidences sur la santé. Investiguer le travail. Analyser les situations de travail qui font souffrance.
Se comprendre dans son rapport au travail : ses investissements, ses attentes, les enjeux subjectifs.
Se réapproprier son histoire professionnelle
Restaurer la confiance dans ses capacités
Explorer les pistes de solutions et restaurer la possibilité d'agir, retrouver les conditions permettant de travailler avec plaisir, c'est à dire d'être engagé subjectivement et de se transformer soi même dans le sens d'un accroissement de subjectivité.
Je vous accompagne dans les aspects diagnostics, d'évaluation et de compréhension des phénomènes qui font souffrance, en réseau avec d'autres professionnels au besoin (médecins de ville et du travail, avocats).